LES SYSTEMES DE PARCS AMERICAINS
GRAND PRIX DE L'URBANISME 2011
Olmsted, les systèmes de parcs américains et leur ancrage géographique comme guide pour l’urbanisme futur. Michel Desvigne a su intelligemment actualiser la démarche du paysagiste américain Frederick Law Olmsted (1822-1903), créateur, entre autres, du « système de parcs » de Boston, fondé sur une série de dispositifs hydrauliques et végétaux. Il en propose une relecture.

Les systèmes de parcs américains du xixe siècle sont opérants pour structurer les périphéries européennes. S’ils ont servi parfois de structure à la croissance des villes, leur typologie est transposable, à rebours, pour constituer une structure aux étalements urbains contemporains. Les vestiges de la géographie, les faisceaux d’infrastructures et les sites industriels sont les lieux possibles de cette reconquête.

Malgré le rôle de référent que les parcs américains ont joué pour les villes nouvelles en France, ils étaient assimilés à des sortes de coulées vertes qui n’avaient que peu de sens, n’évoquant en aucun cas une nature possible dans la ville.

Ayant vécu aux États-Unis, je m’y suis intéressé, les ai pratiqués, suis allé voir la maison d’Olmsted à Brookline (près de Boston), et il me semble avoir mieux compris comment ces parcs avaient produit de la structure urbaine. En témoigne le développement de Washington, de 1901 à 1950, réalisé par le fils d’Olmsted. Les concepteurs avaient beaucoup regardé les géographies qui préexistaient. C’était d’autant plus pertinent que les villes qui se développaient s’installaient en général sur des territoires relativement pauvres, souvent marqués par des sortes de marais, des paysages quelconques, avec peu de sollicitations, où la nature était peu présente, sinon sous forme de contraintes. Ils exploraient le territoire assez finement, de sorte qu’ils voyaient tous les vallons, les affluents des vallées principales qui souvent, à ce moment-là, n’étaient plus que des résidus, des égouts à ciel ouvert. On retrouve encore des photos de la fin du xixe siècle et de 1900, à Washington, de ces sortes d’égouts qui étaient de véritables talwegs, les parties amont des vallées où les rivières étaient installées. Étaient alors dessinés de fantastiques projets d’amplification de la géographie : une vallée existait, son petit vallon était encore sous forme d’égout, et les paysagistes, Olmsted et son fils, amplifiaient la présence de cette nature. Ils plantaient abondamment ces coteaux et vallons, géraient l’écoulement de l’eau de manière significative, et installaient toute la viabilisation et notamment les voies de circulations, fabriquant ainsi le développement de la ville. L’extraordinaire, c’est que ce mode de viabilisation se fonde sur une intelligence de la géographie, on pourrait dire de la nature.

Olmsted était un écrivain, proche des philosophes transcendantalistes Emerson et Thoreau, tendance naturalistes pragmatiques. Thoreau a vécu dans un cabanon sur le Walden Pond de Concord (Massachussetts) – en ermite qui pourrait être qualifié de mondain, car proche de l’université de Harvard, où Emerson avait la charge de la chaire de philosophie. Ce naturalisme pragmatique me semble tout à fait actuel et singulièrement pertinent au regard de la conscience que nous avons de ce que peut être la nature. Par exemple, les matériaux ne sont en aucun cas ceux des jardins pittoresques, ni même des jardins paysagers produits à la même époque en Europe. Olmsted travaillait avec des bois, des marais, des prés, des étendues d’eau, matériaux élémentaires inscrits profondément dans la géographie et la nature.

Des exemples de parcs structurant l’urbain

À Minneapolis, le système de parcs rallie le Mississippi, donc le fleuve, à un ensemble de lacs, les lacs du Minnesota, par des éléments plus artificiels. Le tout apparait comme une géographie naturelle. Et le développé, à Minneapolis, se compte en dizaines de kilomètres, soit peut être 60 kilomètres de façades urbaines sur un système de parcs qui constitue le véritable monument de la ville. De même, le plan d’Olmsted pour le système de parcs de Boston couvre un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres. Cette puissance du travail de ces paysagistes, dans l’implantation de cette nature qui structure la ville, s’applique à une échelle qui nous est complètement étrangère. Il est essentiel de bien regarder les dimensions de ces systèmes de parcs et de s’interroger sur leur application sur nos territoires. C’est ce qui guide notre projet pour l’aménagement du cluster scientifique sur le plateau de Saclay. Il se trouve que la partie sud de ce cluster scientifique se superpose presque exactement au développement ouest de Washington. Nous avons fait des recherches pour voir ces correspondances à partir des traces du travail du fils d’Olmsted : documents, photos, dessins, coupes et gestion dans le temps de 1901 à 1950. Il s’agit, à l’ère contemporaine, de savoir fabriquer un territoire d’une taille tout à fait comparable à Boston ou Minneapolis. Et ce qui nous encourage, c’est de voir cette équipe qui a travaillé pendant cinquante ans dans la même ville. Le résultat est extraordinaire et accueille l’urbanisation actuelle en lui donnant sens, structure et qualité de vie. Il n’est pas illusoire de proposer des gestions d’une cinquantaine d’années pour la constitution d’un paysage, d’une géographie amplifiée pour la ville de demain.